29 septembre 2010

Charles Ponzi ou le système pyramidal

On reparle dans la presse du scandale financier et philatélique en Espagne : un investissement en philatélie pour le grand public (250 000 personnes en Espagne) qui s'est avéré désastreux voire frauduleux.

C'est l'occasion de publier ce billet préparé il y a longtemps sur un des premiers scandales liés à la philatélie, pas directement à l'époque mais basé sur les coupons-réponse.

Charles Ponzi était un immigrant italien aux USA qui a donné son nom à un système pyramidal, le "système de Ponzi". Son arnaque a de fortes similitudes avec l'affaire Afinsa (elle a secoué le monde de la philatélie et des investisseurs espagnols et portugais qui ont investi dans des timbres).
Un coupon-réponse est un document postal - à rapprocher des entiers postaux - qui s'achète à la poste d'un pays et peut être échangé contre un timbre au tarif pour l'étranger dans un autre pays. Il s'agit de la version internationale du "timbre pour la réponse", on utilise le sigle CRI (pour Coupon Réponse International). Le principe du coupon-réponse est d'être vendu partout au moins plus cher que le tarif le plus élevé possible dans un des pays concernés ; avec des cours de monnaies volatils il est possible que le tarif ne soit pas réajusté suffisamment rapidement, mais la situation a peu de chance de durer assez longtemps !

Voici l'histoire du système de Ponzi :

Charles Ponzi se rend compte d'un problème dans le système des coupons-réponse.

Son prix est normalement supérieur au timbre pour l'étranger le plus cher dans les pays où l'échange est possible (presque tous les pays de l'UPU pour un coupon-réponse international). Mais le tarif du 1/10/1907 (date de l'introduction des coupons-réponse) n'a pas été révisé après la guerre de 14/18, alors même que la parité des changes avait été bouleversée. Le rapport était élevé, un coupon acheté en Bulgarie s'échangerait aux USA contre six fois son prix d'achat ! (il n'est pas très clair s'il y avait un fond de vérité ou si c'était l'argument commercial de Ponzi)

Charles Ponzi lance une société "the Security Exchange Company" chargée de réaliser ces opérations et acceptant des fonds. Les fonds affluent rapidement, de plus en plus d'argent est encaissé par Ponzi, il peut ainsi payer les intérêts promis en utilisant l'argent qui rentre de plus en plus vite. Mais le succès de Charles Pozi ne durera que 6 mois. Ce qui va le perdre, c'est le fait que les CRI en circulation étaient au (petit) nombre 27 000, alors qu'il en aurait fallu pas moins de 160 millions en fonction de l'argent récolté par Pozi ! La poste américaine confirme qu'il n'y a pas de mouvements anormaux sur les ventes de CRI, y compris au niveau mondial.

Si sur le papier cela semblait fonctionner, ce n'était semble-t-il pas le cas le cas en pratique vu les montants énormes (ne serait-ce qu'en poids du papier !) que cela aurait représenté.

Tout d'abord cela demande à avoir des contacts fiables dans un pays au taux de change intéressant (et il faut bien sûr payer ces intermédiaires).

Ensuite, il n'est pas évident de s'en procurer de grandes quantités : ces coupons sont peu utilisés, les stocks dans un bureau de poste très limités. À l'heure actuelle, il n'est pas évident de se procurer le CRI en cours, mais il y a quelques années on trouvait des CRI dans tous les bureaux de poste, même si les stocks tournaient lentement (le fait que les CRI aient maintenant une durée de validité limitée est peut-être pour quelque chose dans le non-approvisionnement des bureaux).

Il faut aussi expédier ces coupons aux USA (il faut donc rajouter le coût du port, les délais).

Ensuite, il faut échanger ces coupons contre des timbres (la poste US a d'ailleurs rapidement imposé un quota de 10 coupons remboursé à la fois), ce qui prend de la main d'oeuvre et peut être retardé par la mauvaise volonté de la poste.

Mais des timbres, ce n'est pas de l'argent liquide, malgré leur valeur fiduciaire. Un acheteur prêt à en acheter de grosse quantités demandera une ristourne (sinon, pourquoi ne pas les acheter à la poste ?), et peu d'acheteurs ont l'utilité de milliers ou de millions de timbres ! On fera le parallèle avec les timbres en francs vendu en lot en dessous de la faciale et qui ne trouvent pas toujours preneur si la remise n'est pas suffisante...

Rapidement, le prix des CRI sera réévalué en tenant compte du problème relevé par Charles Ponzi.

L'ampleur financière de la fraude fait que Charles Pozi a donné son nom (le Ponzi Scheme, le système de Ponzi) à toute arnaque ayant ces caractéristiques :
  1. une promesse de profit très supérieure aux investissements classiques sur un laps de temps plus réduit
  2. le paiement des investisseurs avec l'argent des nouveaux arrivants.
Du point de vue philatélique, les coupons-réponse sont indiscutablement de nature postale. Ce ne sont pas des timbres ni des entiers postaux, il s'agit d'une sorte de monnaie internationale destinée spécifiquement à l'achat d'un timbre-poste, qui est classée par la FIP dans la catégorie des entiers-postaux.


A lire sur le sujet, le remarquable site d'André Hurtré sur les coupons-réponse (dont est issue l'illustration de ce billet : le premier jour du premier CRI) ainsi que les ouvrages du même auteur publiés par l'Académie de Philatélie.

Charles Ponzi sur Wikipedia
Chales K. Ponzi Website

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