11 novembre 2005

Philatelie & Numismatique

La numismatique (collection des pièces de monnaies, des billets et des médailles) est sans doute la première - au sens chronologique - collection : les monnaies existent depuis des millénaires là où les timbres ne sont présents que depuis moins de deux centenaires. C'est donc une collection qui a atteint une certaine maturité. La lecture du Bulletin Numismatique (inscription gratuite sur http://www.cgb.fr/bn/inscription_bn.html) est instructive pour le philatéliste car les problématiques sont souvent les mêmes qu'en philatélie, et peut apporter un autre point de vue. Je vais citer ici le dernier bulletin (N°15 de novembre 2005).

La sortie du FRANC VI nous a permis d'utiliser des FRANC V invendus et nous avons offert 150 exemplaires à l'Académie de Poitiers pour distribuer aux bibliothèques des collèges et lycées : une nouvelle approche de l'Histoire de France !

L'éditeur du BN édite aussi des catalogues. Il faut noter que ces catalogues ont supplanté les catalogues, comme quoi la venue d'un nouvel entrant peut être un succès total. Cette action visant à rendre plus facile l'accès à la numismatique doit être saluée, et pourrait donner des idées à nos éditeurs !
La mise en vente en VSO représente des coûts fixes de l'ordre de 40 euros par pièce tout compris. Vendre une pièce de moins de 200 euros (20% de 200 euros font 40 euros) représente une perte sèche qui doit être compensée par la présence dans le dépôt d'autres monnaies de valeurs largement supérieures.

C'est la première fois que je vois les coûts engendrés par un catalogue de Vente Sur Offre (on utilise plus volontiers le sigle VO en philatélie). Il est possible que ce catalogue ait un prix de revient nettement supérieur à la moyenne des catalogues de VO, notamment si chaque pièce est photographiée (étant donné qu'une pièce n'est pas plate, il faut sans doute la photographier avec un éclairage adéquat, et non pas la scanner) et reproduite. Mais ça donne quand même une idée de ce que coûte un catalogue de Vente sur Offre ! Et tout l'intérêt des ventes aux enchères sur le net, où les coûts de mise en vente sont nettement plus réduits (et logiquement le pourcentage que prend le site est loin des 20% !). A noter également que lors de la publication des résulats des VO, le nombre d'enchérisseurs et l'enchère maximale sont données, ce qui est instructif même si en temps qu'acheteur je ne serais pas sûr d'apprécier !
La vraie réponse est : n'achetez jamais des monnaies banales en état banal, que tout le monde a déjà en collection, sauf à vil prix. N'achetez jamais de monnaies sans intérêt, en particulier, pour simplement boucher un trou.

Ce qui est vrai pour la numismatique l'est aussi pour la philatélie : quand on dépense du "vrai argent" (pour reprendre une expression anglaise, "real money"), ce doit être pour des documents rares et - dans la limite de ce qui existe - en très bon état ! La notion d'état est très importante en numismatique, une pièce FDC (Fleur de Coin) doit non seulement ne pas porter la moindre trace de coup (même à la loupe) ni même de manipulation, mais doit avoir été particulièrement bien frappée à l'aide d'une matrice neuve qui restitue tous les reliefs. L'équivalent en philatélie serait de donner une plus value encore plus importante à un timbre centré parfaitement, mais aussi particulièrement bien imprimé et de couleurs vives (et sans charnière je suppose). L'exigence de qualité fait qu'en pratique il est actuellement quasiment impossible de trouver dans des rouleaux neufs une pièce FDC, dans les conditions normales de fabrication les chocs sont la norme, ce qui fait que seules les pièces vendues en coffret FDC (avec un surcoût) par la Monnaie de Paris sont susceptibles de répondre aux critères stricts de qualité.

La notion de qualité est normée en numismatique, il existe différents niveaux : B, TB, TTB, SUP, FDC avec des niveaux intermédiaires signifiés par les nombres. Des certificats peuvent être délivrés. Pour avoir l'équivalent en philatélie, il faudrait un grand nombre de colonnes, par exemple pour les neufs sans charnières :
  1. B (Beau) : timbre décentré ou présentant des dents courtes ou un défaut de gomme
  2. TB (Très Beau) : timbre décentré, dentelure sans dents courtes
  3. TTB (Très Très Beau) : centrage moyen à bon, impression standard
  4. SUP (Superbe) : très bon centrage, impression et couleurs de très bonnes qualités
  5. FDC (Fleur De Coin) : centrage parfait, aucun défaut d'impression et couleurs fraîches
Une telle classification semble irréaliste, mais pourtant elle est appliquée dans les faits pour certaines émissions, en particulier dans les classiques : une dentelure et un centrage parfait (ou de grandes marges équilibrées pour un non-dentelé), une bonne qualité d'impression (premiers jours de tirage avant l'usure des planches), des couleurs vives, mais aussi un bord (ou coin) de feuille avec ou sans inscription sont tous des critères qui valorisent un timbre. Et la prime à la qualité peut atteindre des sommets, entre un 40c Bordeaux "standard" coté 450 neuf avec charnière chez Dallay, et un exemplaire jaune citron (coté 11 000 euros neuf avec charnière) ou rouge-sans foncé (coté 5850 euros), mais qui en plus présenterait une impression nette (les planches lithographiées s'usaient vite !), de larges marges, une gomme intacte, la cote serait sans doute nettement dépassée (si un tel timbre existe !).

Cela ne concerne que les classiques me direz vous ! C'est pourtant aussi le cas pour les semi-modernes, mais c'est vrai qu'il n'y a guère de plus value pour les timbres plus récents ou moins rares. Profitez en pour choisir vos exemplaires : très bon centrage, dentelure parfaite (rejeter le timbre si une dent est un peu courte), et timbre frais (couleurs et papier) et très bonne impression (rejeter les petits manques d'encrage, les couleurs pas tout à fait alignées). Un bémol : si la pièce est intéressante au delà de son aspect (par exemple une lettre ou une variété), ou si elle n'existe pas en qualité exceptionnelle, rester réalistes ! D'ailleurs l'éditeur du Franc s'est lancé dans un travail de recensement pour déterminer les meilleures qualités existantes pour les pièces (La Collection Idéale), et ainsi ne plus coter des pièces quand ces dernières n'existent tout simplement pas dans les meilleures qualités (au lieu de systématiquement coter les pièces en FDC par exemple).
(...) le cas des commémoratives non circulantes en francs, retirées faute de place du FRANC VI...

En plus des monnaies "d'usage courant", sont émises (0, 1 ou 2 par an en général) des monnaies commémoratives à leur valeur d'usage, mais aussi des monnaies ayant cours légal mais vendues à des prix bien supérieurs à cette valeur, que les numismates appellent monnaies "non-circulantes". L'inflation des émissions de ces monnaies souvent d'un intérêt artistique ou technique indiscutable a lassé les éditeurs qui vont jusqu'au retrait (ou l'absence d'illustrations pour le Gadoury) de ces pièces de leurs catalogues ! Si la situation des monnaies commémoratives non-circulantes n'est pas tout à fait similaire à celle des timbres commémoratifs, elle est proche et même parfois identique dans le cas de certaines présentations spéciales que la Poste vend à un prix bien supérieur - sans atteindre le niveau de la Monnaie de Paris - au pouvoir d'affranchissement : citons le bloc Rouge-Gorge et ses successeurs, les carnets de voyage, ... Alors que "l'affaire du Rouge-Gorge" a pu être présentée comme une bonne chose pour la philatélie (au motif qu'elle relançait l'intérêt pour les nouveautés), en numismatique les collectionneurs ont préféré jeter l'éponge, mouvement compris par les éditeurs de catalogue qui accompagnent plus qu'ils ne précèdent la tendance. Un parallèle peut être fait entre les clients de commémoratives non-circulantes de la Monnaie de Paris et les abonnés aux nouveautés des timbres-poste : ce sont souvent des particuliers mal informés qui pensent faire un investissement sans risque, or dans les deux cas ils auront des difficultés à simplement récupérer l'argent dépensé (sans parler de l'inflation).

Cette intérêt quasi-exclusif pour les pièces circulantes me satisfait quelque part, je défends en effet le timbre-poste d'usage courant et toutes ses variantes et fautées (en philatélie, on dirait présentations et variétés), à mon avis bien plus intéressantes que les émissions faites pour les philatélistes. Et c'est comme cela que pratiquent les numismates !

Je ne sais pas à quel point cette revue gratuite (et le négociant-éditeur qui l'édite) est représentative de la numismatique en général, mais il faut saluer la démarche en tout cas :
  • promotion à travers des dons de livres et la mise en place de sites Web ;
  • rigueur dans la description de la qualité ;
  • rigueur également dans la rédaction des catalogues avec la volonté de remise à plat au lieu de se contenter de copier son catalogue ou le catalogue des confrères ;
  • la mise en avant sans langue de bois des problèmes (que ce soit la politique d'émission de la Monnaie de Paris, les pièges à éviter lors des achats, ...).

1 commentaire:

Paris a dit…

Bonsoir,

J’ai publié un lien vers votre article ici http://www.numismatique.com/forum/bibliotheque/numismatique-philatelie-t55879.html

Je me permets deux remarques en complément de votre article :
- « La notion de qualité est normée en numismatique, il existe différents niveaux : B, TB, TTB, SUP, FDC avec des niveaux intermédiaires signifiés par les nombres. » Il s’agit là en réalité de la combinaison de deux systèmes, dont on peut penser que l’un va entraîner la disparition de l’autre. La définition par T, TB, TTB, SUP et FDC est la définition française traditionnelle des états de conservation. La définition par des chiffres de 1 à 70 est le système américain (« échelle de Sheldon », mise au point en 1948). Le système américain est beaucoup plus fin (et c’est en rapport avec des enjeux financiers beaucoup plus importants que dans la numismatique française). De ce fait, l’habitude s’est pris een France, chez certains professionnels, de faire suivre l’évaluation selon les normes françaises du numéro auquel la monnaie peut prétendre sur l’échelle de Sheldon. Il ne s’agit donc pas d’un système d’évaluation, mais de deux. A la lecture du même catalogue français, l’immense majorité des Français ne considérera que les une à trois lettres, un numismate américain les ignorera totalement et ne retiendra que les numéros, tous compris entre 1 et 70.
- « Des certificats peuvent être délivrés. » Ces certificats, en pratique, sont associés à la mise de la monnaie sous « slab » (une coque en plastique dans laquelle la monnaie est immobilisée et inaccessible aux contacts, donc son état tel que certifié est supposé ne plus évoluer, en tout cas pour ce qui est des chocs et griffes ; laissons de côté l’oxydation). Le propriétaire (je l’appelle volontairement ainsi, plutôt que « collectionneur ») est donc interdit de contact avec sa monnaie, et, source déjà de quelques escroqueries, ne peut même plus voir la tranche de cette monnaie, qui est inaccessible au regard dans le slab. Très souvent ou toujours, la monnaie se voit alors attribuer un code à barres qui permet d’en assurer le suivi, c’est-à-dire de lui constituer un pedigree vente après vente, et de vérifier auprès des organismes certificateurs l’authenticité du certificat. Comme vous l’aurez compris, une bonne part de ces monnaies est donc considérée principalement sous un angle financier : il ne s’agit plus pour leur propriétaire de constituer un ensemble cohérent au plan historique, géographique ou technique, ni d’avancer en connaissance, mais de trouver à l’achat une monnaie non slabée qu’il sent avoir un fort potentiel, puis de la faire slaber, ce qui va lui engendrer un coût mais lui permettra de la revendre ensuite sur le marché de l’investissement. Peu lui importe en général qu’elle soit américaine de 1804, française de 1675 ou djiboutienne de 1980 ! Le seul point commun souvent entre toutes les monnaies d’un même propriétaire est d’être sous slab. Nous sommes donc là, souvent, dans le domaine bancaire-financier utilisant un support numismatique, comme il utilise aussi comme supports le blé ou le pétrole, plutôt que dans la numismatique au sens traditionnel.
Cette évolution a ses partisans et ses adversaires. Elle fait monter les prix des monnaies d’une façon parfois considérable.